Le harcèlement psychologique au travail : mieux vaut prévenir que guérir

Si l’ensemble des travailleurs sont maintenant familiers avec le terme, peu sont en mesure de le définir clairement et encore moins d’en reconnaître ses nombreuses manifestations possibles. Ceci est tout à fait compréhensible quand on sait que même au niveau de la science, il n’existe pas de définition unique, entièrement objective, précise et reconnue de l’ensemble de la communauté de recherche l’ayant étudié. Pourtant, le harcèlement psychologique en milieu de travail peut avoir de lourdes conséquences sur la santé et le bien-être des travailleurs, de même que sur la durée et la stabilité de l’emploi, ainsi que sur la satisfaction au travail. Il peut également avoir une incidence sur l’ensemble de l’économie, entraînant des coûts associés à l’absentéisme, à une perte de productivité et au roulement de l’emploi, selon le plus récent rapport de Statistiques Canada (2018). 

En termes larges, le harcèlement psychologique dans la vie professionnelle peut se définir comme des comportements, des paroles ou des gestes qui, répétés et systématisés, peuvent porter atteinte aux droits, à la dignité, à l’intégrité physique ou mentale (souvent les deux) ainsi qu’à l’avenir professionnel de la personne qui en devient la cible. Selon Lamy (2000), le harcèlement psychologique diffère du conflit par sa nature asymétrique. Dans un conflit les reproches sont nommés et la conduite des deux parties en litige est centrée sur l’objet même du litige à résoudre. Dans une situation de harcèlement, la conduite d’une des deux parties est centrée sur l’autre de manière répétitive et hostile, et met en cause sa dignité ou son intégrité. Ceci est rarement fait de façon ouverte, ce qui rend le harcèlement difficile à prouver auprès de l’employeur qui a le mandat d’assurer un milieu de travail libre de toute forme de harcèlement.  

Des modifications à la Loi sur les normes du travail sont entrées en vigueur en 2004 au Québec, introduisant une protection particulière pour les victimes de harcèlement psychologique, qui prévoit notamment que l’employeur fournisse à ses salariés un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. La Loi définit le harcèlement psychologique ainsi : 

« Une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu chez le salarié. » (Loi sur les normes du travail, LQ. 2002, c. 4, art. 81.18) 

Presque vingt ans plus tard, force est d’admettre, statistiques à l’appui, que cette mesure légale n’a rien fait pour endiguer le phénomène. Les données de la CNESST (Commission des Normes, de l’Équité et de la Santé et Sécurité au Travail) font état de 342 dossiers de harcèlement psychologique ouverts en 2016; en 2019, ce nombre était passé à 1259, soit presque quatre fois plus ! Ajoutons à cela qu’aucune intervention thérapeutique spécifique et structurée n’est disponible pour les victimes de harcèlement qui, selon la gravité des incidents, peuvent présenter des symptômes tels que (entre autres) : anxiété, dépression, troubles digestifs ou du sommeil et même une forme de choc post-traumatique.  

Il semble que l’approche actuelle ne réduit aucunement le nombre d’actes de harcèlement commis, pas plus qu’il n’immunise les victimes potentielles. Or, ce que les longs mois de pandémie nous ont appris, c’est l’importance d’une détection hâtive ainsi que la mise en place rapide de gestes barrières. C’est ce qui empêche une épidémie de devenir une pandémie, car ce type de comportement est tout aussi opportuniste qu’un virus et ne peut s’implanter qu’en l’absence de connaissance (ou de reconnaissance) de ses mécanismes, ainsi que du danger qu’il pose. 

Suivant l’adage « une personne avertie en vaut deux », je vous propose une « vaccination contre le virus H » qui se déclinera en une série d’articles traitant de différents aspects de ce phénomène en expansion qui vous seront peut-être utile pour acquérir une certaine immunité personnelle et éventuellement, espérons-le, collective. 

Christian Dame 

Conseiller d’orientation 

Références 

https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2018001/article/54982-fra.htm

Lamy, F. (2000). Comment contrer le harcèlement et la violence psychologique au travail. Options, no 19, CSQ, printemps 2000. 

http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/N-1.1?langCont=fr#ga:l_iv-gb:l_v_2-h1 

https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/organisation/documentation/formulaires-publications/statistiques-violence-stress-harcelement-en-milieu

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